Ananka Laudun

Ananka Laudun

"Richard le magnifique"

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« Richard le magnifique »

 

Une belle soirée de juillet, rendez-vous avec Richard, musicien d’Ananka pour une interview découverte.

Il arrive accompagné de Sophie, chorégraphe et danseuse Ananka. Ce qui frappe au premier contact c’est l’impression de le voir entrer à pas feutrés, un sourire chaleureux et discret. Echanges autour de quelques questions pour mieux découvrir ce musicien d’Ananka.

 

Richard, tu fais partie des musiciens d’Ananka. Peux-tu nous en dire plus sur l’instrument qui t’accompagne aux cours de danse africaine ?

Je joue du doum doum. Ce sont trois sortes de tambours à deux faces droits. C’est différent du djembé qui est en forme de vase. En réalité cet instrument est joué par trois personnes. Et même il y a deux cloches normalement et donc deux personnes qui jouent en plus de ces cloches.

Les africains pour des raisons pratiques souvent jouent avec deux tambours et une cloche et maintenant trois tambours et deux bâtons comme j’ai commencé à le faire.

Comment se fait-il que toi Richard tu joues de cet instrument-là et non du djembé ? 

En fait c’est grâce à Ananka. Je ne connaissais pas du tout la culture africaine, en tout cas pas de manière formelle car je la connaissais sûrement de manière intuitive. C’est notre ami Eric qui accompagnait les cours de danse africaine avec le djembé. Moi la percussion me parle et en particulier la percussion africaine car plus intense. Eric m’a dit un jour « prend un fut et un bâton et puis tu tapes dessus,  tu fais ce que tu veux ». Comme moi j’aime bien l’improvisation cela m’a bien convenu et je me suis retrouvé à faire cela. Puis il m’a prêté un deuxième fut pour faire les cours et j’ai appris un peu comme cela. Ensuite j’ai ajouté la cloche. Voilà j’ai commencé comme çà avec Eric pour les cours d’Ananka. Aujourd’hui je continue de cette manière sans avoir pris de cours. Je joue très peu de cet instrument mais suffisamment pour prendre du plaisir.

L’impression que cela donne c’est que cet instrument ne peut pas vivre tout seul dans un accord musical. Est-ce la réalité ?

C’est une bonne intuition car en réalité d’un point de vue théorique et classique le doum doum c’est la base.

On joue le doum doum et ensuite les djembés se mettent dessus. On peut jouer du djembé sans le doum doum notamment parce qu’ils ont des basses donc ils peuvent reproduire ce que font les doum doum. Pour le doum doum dans sa version classique, il y a peu ou pas de solo parce que son rôle principal c’est d’être la locomotive de tout le train musical. On retrouve cela dans les grands orchestres de percussions brésiliennes qui jouent dans la rue. Ils jouent avec un gros fut, un deuxième plus petit et un troisième encore plus petit. Les trois doivent rester carrer quoiqu’il arrive car c’est le rythme de base. C’est la colonne vertébrale donc il peut se passer n’importe quoi le doum doum lui est là pour tenir le rythme. C’est un peu engageant parfois. Surtout au début parce qu’on sait que si on se trompe cela peut perturber l’ensemble du groupe et la danse.

Intervention de Sophie « si le doum tient bien le rythme, les percussions peuvent faire de l’improvisation. Ils reviennent dans le rythme grâce au doum. Nous les danseuses on suit le doum. Il maintient le rythme. Il ne faut pas se laisser perturber par la vitesse des djembés. »

Cet instrument que tu as aujourd’hui, quelle est son histoire ? 

C’était un moment où Sophie et moi commencions à bien nous connaître et je souhaitais m’investir dans ses activités par ce que cela me faisait plaisir d’être avec elle, de participer à ma façon à cela.  Donc il fallait que je m’investisse plus et que j’aie mon propre instrument. Ce doum je l’ai acheté grâce à Eric. A cette époque, il prenait des cours avec Adama Sisoko. Au cours d’une conversation avec Adama, je lui ai commandé un gros fut et un petit fut. Il allait au Burkina Faso et il me les a rapportés. C’est un instrument à mon avis qui vivait déjà là-bas.

Et le troisième fut ? 

Le troisième fut a une belle histoire… c’est lié à Abou que j’aime beaucoup. Abou a le cœur qui explose comme d’autres personnes que nous connaissons. A un moment donné, il ne peut pas faire autrement que de t’offrir quelque chose. A l’occasion d’une fête je lui disais que j’aimerai bien jouer avec un troisième fut et il m’a dit "écoute je vais te faire un cadeau. C’est mon fut, je te le donne." Je voulais refuser et là je n’ai pas pu parce que c’était un cadeau tellement magnifique. Une telle générosité.

C’est incroyable toutes ces belles émotions avec lesquelles tu viens au cours de danse grâce à cet instrument. Emotions que nous ne soupçonnions pas. 

Oui c’est un instrument très particulier et en plus il sonne remarquablement bien.

En fait, la percussion africaine je l’avais complètement comprise intuitivement. Nous avions vu un spectacle il y a quelques années. C’étaient des danseurs étoiles –je ne me rappelle plus bien de quel pays - et des musiciens : une dizaine de percussionnistes. J’écoutais ces percussions et rapidement je me suis rendu compte qu’elles jouaient une mélodie. C’est peut-être parce que j’écoute du jazz donc j’ai l’habitude de garder une trame dans ma tête dans ce que j’écoute. D’ailleurs j’aime bien le jazz pour cela car même si tout le monde improvise il y a toujours cette trame qui revient. Ils s’arrêtent ils repartent et tout le monde se reconnecte. Ces percussions racontaient des mélodies c’était une polyphonie. C’était magnifique. Je me suis rendu compte de cela parce que je chantonnais, j’avais cette mélodie dans la tête. Ce n’était pas des tambours mais une vraie mélodie.

Intervention de Sophie « jouer des percussions ce n’est pas taper comme un fou sur l’instrument. Ce n’est pas cela. Il doit vraiment y avoir quelque chose qui se passe entre les percussionnistes, le joueur de doum… J’entends la musique, je réponds. Cela demande de se connecter aux autres. Ce n’est pas calculé ou préparé c’est une harmonie. »

On perçoit d’autant plus cette mélodie qu’il y a de percussions. Un orchestre de percussions en fond, puis les solistes peuvent faire des choses plus intenses, plus percussives. Ce qui est frappant c’est que dans la culture africaine, il y a l’expérience qui ressort et les gens se mettent à jouer comme cela sans préparation. Cela m’évoque une chanson que nous jouons avec le groupe qui s’appelle « going back to my roots ».

Sophie se met à chantonner l’air.

C’est un vieux tube disco des années 70 où un nord-américain revient à sa culture, ses racines. Le morceau est composé de trois parties et c’est très long. A un moment, il y trois minutes de percussions d’Afrique de l’Ouest, peut-être du Mali. Ce sont des percussions traditionnelles, on est dans un village. Du bonheur. Les instruments modulent la note, la mélodie est extraordinaire. Pour moi c’est vraiment la musique contemporaine : riche et polyphonique. Ce sont les gens du village qui jouent, le jour du marché, je ne sais pas. Là je suis baba. C’est la tradition qui ressort, rien n’a été préparé.

Ce que j’entends à travers tes mots c’est que la musique c’est une vraie histoire d’amour pour toi. Peux-tu nous dire tout ce que tu fais en plus d’Ananka ?

Je fais très peu de choses. Je chante un peu avec un groupe amateur. Amateur et avec de très bons musiciens. Le groupe s’appelle « So w@tt ». Il est constitué d’un très bon guitariste Patrick, un excellent saxophoniste laudunois Olivier, de Claude le batteur et de Jean-Philippe bassiste qui nous a rejoint après le départ de l’ancien bassiste du groupe. C’est un groupe de rock, blues pop rock tirant sur le jazzy. Nous ne sommes pas des musiciens de jazz mais on a une touche de jazz déjà en ayant un bon saxophoniste et puis j’aime bien cela aussi. Ce groupe existait avant mon arrivée en tant que chanteur. A l’origine, il s’appelait « Ozane » du nom du bateau de l’ancien bassiste du groupe. C’était le nom de sa péniche. Il a décidé de faire autre chose pour des raisons personnelles.

Quelle place ce groupe prend dans ta vie ? Tu es tous les week ends en concert ?

On joue cinq à six fois dans l’année pas plus. On essaie de répéter une fois tous les quinze jours ; on doit y arriver une fois toutes les trois semaines. Nous nous retrouvons à Paloma à Nîmes dans un studio professionnel. Il y a une salle de spectacle, sept ou huit studios à louer pour répéter. Tout est équipé : ampli, micro, table de mixage...

J’ai compris que tu chantais dans ce groupe.

Je chante parce que un j’ai un petit handicap, une forme de dyslexie je pense. J’ai beaucoup de mal à reproduire quelque chose d’écrit tout en étant attentif à ce que je fais. Si je suis dans l’émotion je ne suis pas dans la forme. Pour le moment je n’ai pas réussi à jouer d’un instrument de manière formelle j’ai essayé un peu la guitare. Il faudrait que je passe suffisamment de temps pour que cela devienne un automatisme et que je n’aie pas à réfléchir à où est ma main droite, ma main gauche, l’accord que je suis en train de jouer… En même temps le chant est beaucoup plus simple.

C’est amusant que tu présentes cela en partant du fait que tu ne sais pas jouer d’un instrument mais l’inverse est vrai, tout le monde ne sait pas chanter.

Ce handicap a de gros avantages effectivement. Ce qui est compliqué pour la guitare, pour le chant ou le jazz et pour tout ce qui est improvisé c’est un avantage. Si tout le monde est en galère parce qu’il n’y a rien d’écrit moi je vais me sentir comme un poisson dans l’eau. Le chant et le jazz se prêtent bien à l’improvisation. Jusqu’à un certain point car il ne faut pas croire que pour les joueurs de jazz ce n’est que de l’improvisation. C’est un ensemble de briques très travaillées. Dans le chant, beaucoup de choses sont gérables intuitivement. La note qui va venir je l’entends donc je n’ai pas besoin de réfléchir c’est un Do c’est un Fa. La voix si on sait qu’on doit chanter cette note là on n’a pas besoin de l’intellectualiser, on la vit. Le chant c’est quelque chose qui me touche beaucoup.

Est-ce que la musique va avoir une place particulière à l’occasion de votre mariage fin août ? Est-ce que ce moment va vous ressembler ? Peux-tu nous donner quelques indices ?

Oui cela va nous ressembler car déjà on ne sait pas totalement comment cela va se passer. Nous avons invité beaucoup de personnes que nous aimons bien. Ce qui fait que nous avons opté pour une solution qui est un partage. En plus cela nous arrange bien car nous préférons que les personnes apportent à ce mariage ce qu’elles ont envie d’apporter. Chacun va donc amener un petit quelque chose à manger ou à boire. Cà c’est la créativité et le partage. Et chacun amène un petit peu son talent.

Il y a pas mal de musiciens et on serait donc très étonné que cela ne soit pas musical !

Il y a au moins huit percussionnistes africains. Le groupe « So w@tt » sera forcément là même si le chanteur ne va pas officier toute la soirée, il y aura quelques chansons. Nous aurons deux chanteuses dont Rachel l’ancienne chanteuse du groupe qui pourra s’accorder facilement.

Nous aurons également une violoncelliste. Margaux qui va jouer du piano certainement notre valse. Et puis Sophie a la chance de travailler avec un groupe de gospel « les Chor’Amis », ils seront là pendant la cérémonie religieuse et l’apéritif. L’apéritif sera également l’entrée donc j’espère que ce sera un long moment où la musique aura toute sa place.

Richard, nous arrivons au terme de cette interview. Aurais-tu un dernier mot pour nos lecteurs d’Ananka qui découvriront cet article sur le blog ?

Ce que j’ai envie de dire c’est qu’Ananka c’est l’expression, la matérialisation… non c’est plus que cela.

C’est une réalité qui se concrétise. Ce sont plein de gens de cœur magnifique qui viennent d’endroits et de parcours différents mais qui autour de la magie, de la sincérité de Sophie se retrouvent. Cela permet à tout le monde et à moi en particulier de trouver des choses, une énergie, des relations humaines, une certitude sur le fond du cœur de l’homme … voilà c’est quelque chose de merveilleux. Je remercie toutes ces personnes qui sont à Ananka car c’est grâce à elles que cela existe.

 

Ce sera le mot de la fin : magnifique comme Richard. Merci Richard pour cette interview exceptionnelle.

 

Elisabeth Freund-Cazaubon, reporter Ananka.

 

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 "doum doum de Richard le magnifique"

 

 

 



06/08/2015
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